Télécharger3 Changement climatique

De quels problèmes s’agit-il?

Le changement climatique est largement reconnu mais son rythme et ses impacts sont incertains

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) de l’ONU a averti que si les émissions de gaz à effet de serre se poursuivent à un niveau égal ou supérieur au niveau actuel, le réchauffement sera plus important. De nombreuses modifications du système climatique global se produiront au cours du XXIe siècle et, selon les projections, devraient être plus importantes que celles observées pendant le XXe siècle Figure 3.1. Ces changements pourraient dépasser la variabilité multidécénale naturelle et entraîner des modifications permanentes des écosystèmes.

Toute une série d’impacts sur le milieu marin sont attribués au changement climatique Figure 3.2, soit directement (modification de la température de la mer) soit indirectement (modification de la saisonnalité, de la distribution et de l’abondance des espèces). Il est difficile de prédire l’impact des futures tendances climatiques sur les écosystèmes marins, du fait de plusieurs incertitudes dont celles des scénarios sur les futures émissions de gaz à effet de serre. Il est également nécessaire de mieux comprendre la réaction des écosystèmes marins aux changements.

Les divers impacts du changement climatique projetés pour diverses composantes des écosystèmes marins sont énumérés dans le Tableau 3.1 (milieu physique et chimique) et le Tableau 3.2 (milieu biologique), accompagnés d’un résumé des observations actuelles.

Un grand nombre de modifications physiques et chimiques relevées correspondent à une augmentation du CO2 atmosphérique et à un réchauffement climatique (augmentation de la température de la mer, retrait de la banquise, acidification). Cependant, beaucoup de liens de causalité avec le changement climatique sont encore mal connus. Il est difficile de prédire avec précision le rythme, la magnitude et la direction des modifications, dans le cas par exemple de l’absorption du CO2 par les océans, de la salinité, de la probabilité de tempête et de l’enrichissement en nutriments. Il est également difficile de cartographier les impacts au niveau local. Les changements physiques et chimiques sont directement liés aux impacts sur les organismes marins (modification de l’aire de répartition des espèces planctoniques, de poisson et des communautés intertidales). Ils sont supposés avoir des effets secondaires importants sur la disponibilité des proies pour les oiseaux de mer. Les changements physiques présentant des incertitudes, il est difficile de prédire, par exemple, les effets des modifications de la stratification sur la production primaire, de la probabilité de tempête sur les sites de nidification des oiseaux de mer et de l’enrichissement en nutriments sur les efflorescences algales nuisibles. Les données insuffisantes (portant, par exemple, sur les mammifères marins, l’écologie benthique et les communautés intertidales) et la méconnaissance des effets locaux ne permettent pas de comprendre pleinement les liens qui existent entre le changement climatique et les impacts sur les écosystèmes marins. Les synergies et les compromis entre les impacts et des mécanismes de rétrocontrôle rendent les projections plus incertaines.

Preuves précises des changements physiques

La moyenne annuelle des températures de la surface de la mer entre 1999 et 2008 était plus élevée qu’entre 1971 et 2000 dans l’ensemble de la zone OSPAR Figure 3.3. C’est la Région II qui a subi le plus grand réchauffement, les températures ayant augmenté de 1 à 2 °C au cours des 25 dernières années. En 2002, les températures étaient les plus élevées, depuis que l’enregistrement de la température de la surface de la mer du Nord a commencé en 1968. Dans l’ensemble, les étés sont devenus plus longs et plus chauds tandis que les hivers sont devenus plus courts et moins froids dans la Région II. Le profil régional météorologique et de la circulation des eaux masque, dans certaines zones, les indices de réchauffement global. Dans la Région IV, par exemple, l’augmentation de la température au sud est plus faible que prévue ceci étant dû à la résurgence des eaux froides. Dans l’Arctique, le retrait de la banquise se manifeste aussi bien lorsqu’elle est à son maximum (mars) qu’à son minimum (septembre), augmentant d’environ 2,5 % et 8,9 % tous les dix ans respectivement entre 1979 et 2009.

Figure 3.1 Projections du GIEC concernant la gamme des fluctuations possibles...

Figure 3.2 Récapitulatif des impacts découlant du changement climatique...

Tableau 3.1

Impacts projetés et observés du changement climatique sur le milieu physique et...

Tableau 3.2

Impacts projetés et observés du changement climatique sur le milieu biologique...

Figure 3.3 Anomalie de température moyenne annuelle...

Encadré 3.1 Retrait de la banquise arctique

L’Arctique risque d’être dépourvu de glace en été au cours des prochaines décennies. En septembre 2009, l’étendue de la banquise arctique correspondait à la troisième plus faible depuis le début des enregistrements en 1979. Ceci fait suite à l’étendue la plus faible enregistrée en septembre 2007, la superficie de la banquise représentant environ la moitié du minimum moyen relevé dans les années 1950. Le GIEC déclare, avec grande confiance, dans son quatrième rapport d’évaluation que les modifications continues de l’étendue de la banquise risquent d’avoir des impacts majeurs sur les organismes marins et les activités humaines dans l’Arctique. L’augmentation en zones océaniques pourrait stimuler la production biologique à la limite sud de la banquise, ce qui a un effet positif sur des espèces halieutiques importantes de l’Atlantique du Nord-Est, telles que le cabillaud et le hareng. Elle risque en revanche d’être préjudiciable à d’autres espèces, telles que le phoque annelé et l’ours polaire, tributaires de la banquise pour s’alimenter et se reproduire. La fonte de la banquise au début de l’été pourrait exaspérer ces impacts en créant un décalage entre la période de reproduction des mammifères marins et la disponibilité des proies.

Il se peut que l’accessibilité plus aisée durant les périodes sans banquise permette une navigation plus intense et le développement de la production pétrolière et gazière offshore dans les eaux arctiques. Des activités commerciales en plus grand nombre, dans les zones océaniques et le long des côtes arctiques, vont inévitablement présenter un plus grand risque de pollution et d’introduction d’espèces non indigènes par l’eau de ballast des navires. L’érosion côtière affecte plus particulièrement les lignes côtières arctiques meubles et érodées au fil des temps et est plus probable car la montée du niveau de la mer permet à de plus grandes vagues et ondes de tempête d’atteindre un rivage qui n’est plus protégé par la glace. Il est probable que le risque d’inondation des marécages côtiers soit plus important, affectant les écosystèmes et les populations humaines du littoral. La fonte de la glace et de la neige dans l’Arctique risque également de libérer des contaminants stockés et donc des teneurs plus importantes s’écoulant avec l’eau de fonte.

Étude de cas: la banquise arctique

Origine des données: NSIDC

Il est probable que la baisse de la salinité relevée dans les profondeurs de l’Atlantique Nord et des mers nordiques reflète des précipitations plus abondantes dans les régions septentrionales ainsi qu’une augmentation des eaux de ruissellement, la fonte glaciaire, l’advection et une accélération générale du cycle global de l’eau. Ces changements ont été liés à un ralentissement possible de la circulation globale de l’Atlantique du Nord-Est. On ne peut pas déterminer avec précision si l’augmentation relevée de la fréquence des tempêtes et du niveau de la mer est due à la variabilité naturelle ou si elle est liée au changement climatique. La montée relative du niveau de la mer peut être compensée, en partie, dans les zones où le terrain s’élève en réponse à la perte de glace.

Les preuves des impacts biologiques s’accroissent

Le climat est un important facteur conduisant à la modification de la distribution, de l’abondance et de la saisonnalité du milieu vivant. Des observations faites suggèrent que l’aire de répartition des espèces s’étend lorsque les systèmes marins sont soumis à un climat plus chaud. Les modifications de la distribution et de l’abondance, qui sont prévues de se poursuivre dans l’avenir proche, sont suffisamment brusques et permanentes pour pouvoir être considérées comme des « modifications de régime ». En effet les écosystèmes se réorganisent rapidement lorsqu’il s’agit de la modification des rapports prédateur-proie et de la prolifération des espèces non indigènes.

Encadré 3.2 Modifications de la distribution et de l’abondance des espèces marines dans la zone OSPAR

Les modifications de la distribution et de l’abondance des organismes marins dans un certain nombre de séries de données à long terme (principalement sur la Région II) correspondent aux effets climatiques prévus. Ceci ne signifie pas que le climat est seul responsable des modifications relevées, mais il s’agit d’un facteur important pour environ 75% des zones/groupes taxonomiques (« cas ») évalués. Il s’agit notamment du zooplancton (83 cas), du benthos (85 cas), du poisson (100 cas), et des oiseaux de mer (20 cas). Les modifications de la distribution et de l’abondance des oiseaux de mer révèlent le lien le plus faible avec le changement climatique. Ce lien est beaucoup plus prononcé pour d’autres espèces, en particulier le zooplancton et le poisson.

Pourcentage des zones/groupes taxonomiques évalués dont les modifications observées correspondent aux prévisions à la suite du changement climatique (origine des données: CIEM, 2008).

Modifications de la distribution et de l’abondance des espèces marines dans la zone OSPAR par rapport au
changement climatique

La période saisonnière de production de phytoplancton et de zooplancton a changé à la suite du changement climatique récent, certaines espèces apparaissant entre quatre et six semaines plus tôt qu’il y a vingt ans, ce qui affecte les prédateurs tels que le poisson. La modification de la période de production planctonique, de la distribution et de la composition des communautés planctoniques Figure 3.4 a été associée à la modification de la distribution de nombreuses espèces de poisson. On a par exemple établi un lien entre la présence précoce, l’abondance réduite et la prédominance accrue d’espèces de plus petite taille des communautés zooplanctoniques d’une part, et le déclin du cabillaud en mer du Nord d’autre part. La disparition de la banquise d’été va avoir des conséquences graves pour le plancton tributaire de la glace et les organismes qui en dépendent.

On retrouve des modifications de l’aire de distribution et de l’abondance du poisson dans toutes les Régions OSPAR, correspondant aux projections des réactions au changement climatique, à savoir glissement vers le nord de l’aire de distribution et abondance plus faible dans la partie meridionale de cette aire. La surpêche n’est pas seule responsable du déclin rapide des stocks de cabillaud en mer du Nord. Maintenant, les espèces méridionales, telles que le saint-pierre argenté, le bar, le rouget de roche et l’anchois européen sont toutes devenues plus courantes plus au nord. Au Royaume-Uni on a relevé une expansion de l’aire de distribution des espèces intertidales vers des zones auparavant plus froides (c’est-à-dire vers l’est et vers le nord).

Il est probable que le changement climatique encourage les espèces à s’étendre dans de nouvelles zones et à s’y établir. Plusieurs espèces non indigènes se sont maintenant établies dans la zone OSPAR; pour deux d’entre elles (l’huître creuse et la balane Elminius modestus), il s’agit d’un résultat direct du réchauffement régional. Des organismes provenant du Pacifique pourraient s’étendre à l’Atlantique Nord alors que la banquise arctique recule. La diatomée pacifique Neodenticula seminae a été découverte dans l’Atlantique Nord en 1999. Il pourrait s’agir du premier indice d’une migration transarctique. Le retrait de la banquise risque également d’entraîner la disparition des espèces arctiques tributaires de la glace.

L’acidification des océans est une menace fondamentale

Des quantités de plus en plus importantes de CO2 atmosphérique anthropique sont absorbées par la mer. Il s’ensuit une baisse du pH de l’eau de mer et une augmentation de l’acidité des océans. La diminution du pH réduit l’aptitude des océans à absorber le CO2 et constitue un effet de rétrocontrôle potentiel sur le changement climatique.

En moyenne, le pH des eaux de surface a diminué globalement de 0,1 unité depuis le début de la révolution industrielle ce qui représente une augmentation de 30% de l’acidité. Cette tendance se reflète également dans la zone OSPAR, dans le Kattegat et la mer de Norvège par exemple.

Figure 3.4 Modifications de la biodiversité...

Encadré 3.3 Acidification marine dans le Kattegat et la mer de Norvège

La tendance vers un pH plus faible dans les océans du globe se retrouve à proximité de la Suède (Région II) et au large de la côte norvégienne (Région I). Les diminutions de pH sont statistiquement significatives, aussi bien dans les eaux de surface que dans les eaux plus profondes du Kattegat et les projections suggèrent une diminution du pH en surface de 0,2 unité d’ici 2050 et de 0,4 unité d’ici 2100. Toutefois, les séries temporelles étant courtes et la couverture géographique limitée, il sera cependant impératif, à l’avenir, de mieux analyser les paramètres d’acidification. Selon les projections basées sur les tendances actuelles, cette diminution serait deux fois plus élevée à plus de 30 m de profondeur que dans les eaux de surface. Il est probable que les effets à l’échelle des écosystèmes s’observeront dans 50 à 100 ans, étant donné les résultats expérimentaux obtenus à ce jour et les tendances relevées de la diminution du pH dans les eaux côtières suédoises. Des résultats similaires s’appliquent à la mer de Norvège où l’on a relevé une diminution statistiquement significative du pH de 0,03 unité dans la couche mélangée entre 2002 et 2007; les projections suggèrent une diminution supplémentaire de 0,3 unité d’ici 2070, le pH devant donc atteindre 7,8.

Étude de cas: effets et surveillance de l'acidification des mers de la Suède

Les changements actuels de la chimie du carbone océanique se produisent au moins 100 fois plus rapidement que tout autres au cours des dernières 100 000 années. On possède très peu de connaissances sur les impacts écologiques et économiques de l’acidification des océans mais ils pourraient être graves, affectant les nombreux processus de médiation biologique qui transportent le carbone de la surface aux profondeurs des océans. Les données expérimentales indiquent qu’un pH plus faible (par rapport au niveau prévu) pourrait avoir toute une série d’effets sur les organismes marins, y compris la dissolution du carbonate de calcium (aragonite ou calcite) des coquilles et squelettes (décalcification) du plancton et du corail calcaires, et de l’acidification des fluides organiques des poissons et des invertébrés. De nombreuses espèces jouant un rôle écologique important dans les systèmes pélagiques et benthiques seront affectées. Des effets à l’échelle de l’écosystème sont prévus dans les 50 à 100 années à venir, notamment la sous-saturation du carbonate de calcium dans l’eau de mer, phénomène qui risque d’aboutir à une décalcification. Des projections récentes indiquent qu’une sous-saturation de la surface de l’eau en aragonite risque de se produire dans certaines parties de l’Arctique en hiver dès 2016 et 2026 tout au long de l’année. Plus de 150 scientifiques, dans le cadre de la Commission océanographique intergouvernementale de l’UNESCO (COI), soutiennent les prédictions, à savoir que la plupart des régions de l’océan seront inhospitalières pour les récifs coralliens d’ici 2050 si les teneurs atmosphériques de CO2 continuent à augmenter. Ils exhortent les décideurs politiques, dans la Déclaration de Monaco de 2009, à développer des plans permettant de réduire radicalement les émissions de CO2.