Télécharger5 Substances dangereuses

Ces mesures ont-elles réussi?
Dans quelle mesure l’état de santé général est-il affecté?

La cessation est proche pour un tiers des produits chimiques prioritaires

L’abandon progressif d’un tiers des 26 (groupes de) produits chimiques prioritaires présentant un risque pour le milieu marin est en bonne voie dans la zone OSPAR. En conséquence, il est probable que les rejets, émissions et pertes de ces substances cessent d’ici 2020 si les efforts actuels se poursuivent. Ces produits chimiques prioritaires sont les suivants: six pesticides (dicofol, endosulfane, lindane, méthoxychlore, pentachlorophénol et trifluraline); les PCCC; les nonylphénols/éthoxylates; le composé organostannique TBT, et deux retardateurs de flamme bromés, les octa- et pentabromodiphényléthers (BDE) Tableau 5.1.

Pour bon nombre de produits chimiques prioritaires restants, l’information n’est pas disponible pour donner un tableau complet. Mais il est souvent possible de juger à partir des mesures prises (par exemple des restrictions d’utilisation, BAT) et de la présence de ces produits chimiques prioritaires dans l’environnement, si leurs rejets se poursuivent et si des efforts supplémentaires sont nécessaires pour se rapprocher de leur cessation d’ici 2020. Il s’agirait notamment de renforcer la mise en œuvre des mesures existantes Tableau 5.2. Il faudrait obtenir de meilleures informations sur les sources, les rejets et les voies de pénétration de plusieurs de ces produits chimiques prioritaires. Il s’agirait aussi de mieux détecter les rejets et le devenir environnemental de produits pharmaceutiques, tels que le clotrimazole, étant donné que les teneurs en trace dans la mer causent des préoccupations car elles risquent de perturber les processus écologiques.

La contamination par les métaux lourds est en baisse

L’abandon progressif de technologies anciennes et les mesures rigoureuses de contrôle de la pollution ont permis de parvenir à des réductions importantes des rejets de métaux lourds provenant des processus de combustion industrielle, de la production de métal, du transport et des flux de déchets. La plupart des réductions ont eu lieu dans les années 1990 et résultent des avancées de la technologie et de la réglementation. Depuis lors les progrès ont ralenti car il s’avère de plus en plus difficile pour l’industrie, du point de vue technique et économique, de réduire plus encore les rejets. Dans l’ensemble, les émissions atmosphériques de cadmium et de mercure ont donc étaient relativement constantes ces dernières années mais les émissions de plomb ont continué à baisser. Les progrès réalisés quant à la réduction des émissions atmosphériques de cadmium, de mercure et de plomb varient cependant d’un pays OSPAR à l’autre et selon les industries. Environ 900 tonnes de plomb, 40 tonnes de cadmium et 40 tonnes de mercure ont été émises dans l’atmosphère par les pays OSPAR en 2007. Il faudra étudier et traiter plus avant les rejets provenant d’utilisations non réglementées.

Les processus de combustion dans les centrales électriques et l’industrie constituent des sources majeures d’émission de métaux lourds dans l’atmosphère et représentent environ les deux tiers de la quantité totale des retombées atmosphériques de métaux lourds dans l’Atlantique du Nord-Est. Les niveaux d’émission ont peu changé entre 1998 et 2006. Les teneurs en métaux lourds dans les précipitations et le calcul des apports atmosphériques correspondent aux tendances des émissions.

Le profil des apports aquatiques est similaire à celui des apports atmosphériques, dans la mesure où les charges de métaux lourds dans la mer ont diminué substantiellement entre 1990 et 2006, les plus importantes réductions ayant eu lieu dans les années 1990.

Encadré 5.2 Les apports aquatiques de métaux lourds ont diminué

Les données recueillies dans le cadre de l’Étude exhaustive des apports fluviaux et des rejets directs d’OSPAR (RID) sur le cadmium, le plomb et le mercure, révèlent dans la plupart des cas une diminution statistiquement significative des apports fluviaux dans les Régions I, II et III entre 1990 et 2006. Les améliorations, dans le temps, des techniques analytiques de laboratoire ont entraîné une discontinuité des séries temporelles. Ceci vient s’ajouter aux incertitudes des données qui résultent des différences entre la manière dont les données sont notifiées et l’étendue de la surveillance et rendent plus difficiles aussi bien la détection des tendances que la quantification correcte des réductions. Des réductions statistiquement significatives relevées dans les principaux bassins hydrographiques de la Région II – cadmium dans l’Elbe (40%), mercure dans le Rhin et la Meuse (70%) et plomb dans la Seine (90%) – confirment la tendance régionale générale. Les progrès réalisés dans la réduction des apports aquatiques dans le milieu marin depuis 1998 sont cependant moins marqués qu’au début des années 1990. Les charges de rejets directs de cadmium, de mercure et de plomb provenant des eaux d’égout et des effluents industriels sont beaucoup plus faibles que les apports fluviaux dans la plupart des Régions et leurs apports ont diminué de manière significative depuis 1990. L’importante variation quant à la surveillance par les pays d’OSPAR des fleuves et les données incomplètes sur les rejets directs ne permet pas de réaliser une analyse des tendances dans la Région IV.

Tendances des apports aquatiques

Les teneurs en cadmium, en mercure et en plomb dans le poisson, les mollusques et les sédiments ont généralement diminué depuis 1990, en particulier dans la Région II, où les tendances à la baisse sont évidentes dans les sites pollués, de même que dans les sites moins pollués. La plupart des réductions des apports de métaux ayant eu lieu avant 2000, la modification des teneurs dans l’environnement a été relativement faible depuis 1998 alors que les teneurs s’approchent, mais n’atteignent pas, les niveaux ambiants dans une grande partie de la zone OSPAR Figure 5.2. Il y a encore certaines parties des Régions II, III et IV où les teneurs de cadmium et de mercure dans le poisson et les mollusques ont augmenté (par exemple dans le Dogger Bank, dans certains estuaires du Royaume-Uni et dans la partie méridionale de la mer du Nord). Dans la Région I, où les teneurs sont généralement plus faibles que dans les autres Régions, les tendances à la baisse ne se trouvent qu’à proximité des sources de pollution. De nombreuses séries de données OSPAR sont actuellement trop limitées pour permettre de déterminer des tendances car, le milieu marin présentant un grand nombre de variations naturelles, les tendances des teneurs ne peuvent être déterminées qu’en utilisant les données recueillies systématiquement sur des périodes relativement longues. Il faut poursuivre la surveillance dans de nombreuses zones, en particulier les Régions III et IV, afin d’étendre ces séries de données pour pouvoir détecter des tendances à l’avenir.

Les teneurs en cadmium, mercure et plomb dépassent les normes alimentaires de l’UE dans le poisson et les mollusques dans divers sites, en particulier dans les Régions II et III, y compris sur la côte danoise et dans certains estuaires très peuplés et industrialisés des côtes du Royaume-Uni et de la Norvège Figure 5.2. Les teneurs dans les sédiments ont atteint des niveaux présentant un risque d’effets de pollution pour la vie marine dans la mer du Nord méridionale, au large du Dogger Bank, dans le German Bight, dans un certain nombre d’autres sites autour du Royaume-Uni et dans les estuaires industrialisés des côtes espagnoles et norvégiennes. Des niveaux élevés de cadmium trouvés dans le poisson et des mollusques sur les sites autour de l’Islande ont été liés à des facteurs naturels (activité volcanique par exemple), mais la source exacte doit encore être confirmée.

Les HAP continuent à causer des préoccupations au niveau régional et mondial

Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) sont des composants naturels du charbon et du pétrole et sont également produits lors de la combustion de combustible fossile et de matière organique. Ils représentent l’un des polluants organiques les plus répandus dans le milieu marin de la zone OSPAR, leur présence dans la mer provenant des activités offshore Chapitre 7, des déversements d’hydrocarbures opérationnels et accidentels provenant de la navigation Chapitre 9, des rejets fluviaux et des retombées atmosphériques.

Le transport atmosphérique à longue distance est une importante voie de pénétration des HAP dans la zone OSPAR et cause des préoccupations à l’échelle régionale et mondiale. Les émissions atmosphériques provenant des pays OSPAR, et s’élevant à environ 1000 tonnes par an, ont été relativement constantes au cours des dix dernières années. Toutefois, étant donné la croissance prévue des activités industrielles, par exemple en Asie, la proportion relative des HAP amenés dans la région par le transport à longue distance est susceptible d’augmenter.

Les tendances des teneurs en HAP dans le poisson et les mollusques sont principalement à la baisse, en particulier dans la Région III, mais les teneurs restent à des niveaux présentant un risque d’effets de pollution dans de nombreux estuaires et zones urbanisées et industrialisées Figure 5.2.

Les progrès envers la cessation d’ici 2020 des rejets de HAP provenant des sources anthropiques dépendront de l’amélioration de l’utilisation de la technologie de contrôle des émissions lors du processus de combustion. La mise en œuvre efficace de la Directive IPPC de l’UE est particulièrement importante. Avec l’augmentation globale prévue des émissions de HAP provenant de la combustion de combustibles fossiles comme le charbon, il est peu probable que l’objectif de cessation soit atteint.

Des PCB sont encore rejetés dans l’eau et dans l’atmosphère

Les polychlorobiphényles (PCB) sont un groupe de substances avec 209 composés (congénères) très persistants qui se concentrent dans les tissus adipeux et présentent diverses propriétés toxicologiques. La production de PCB a été interdite au milieu des années 1980 mais les actions à l’échelle de l’Europe n’ont pas suffi à éliminer tous les apports dans le milieu marin. Les sources restantes sont le matériel contenant des PCB, l’élimination des déchets, la remise en suspension des sédiments marins contaminés par les PCB du fait de rejets historiques et, dans une mesure inconnue, la formation de sous-produits dans des procédés thermiques et chimiques. Des réductions importantes des rejets et l’abandon progressif des stocks restants ont été réalisés, entre 1998 et 2005, mais les rejets dans l’air et l’eau continuent.

La contamination par les PCB est répandue et peu de zones possèdent des teneurs proches de zéro Figure 5.2. Les teneurs les plus faibles se trouvent le long de la côte septentrionale de la Norvège (Région I). Les PCB comptent cependant parmi les polluants les plus répandus dans l’Arctique et leur distribution par le transport atmosphérique à longue distance est étendue. Les teneurs en PCB dans les espèces arctiques sont en baisse mais leurs niveaux dans certains prédateurs supérieurs, sont encore préoccupants pour leur santé. Dans de nombreux sites des Régions II, III et IV, les teneurs d’au moins un congénère du PCB dans le poisson et les mollusques présentent un risque d’effets de pollution. Des études montrent que, 25 ans après leur interdiction, les PCB risquent encore de causer des impacts biologiques préjudiciables dans certaines parties de la zone OSPAR.

Encadré 5.3 PCB et mammifères marins

Bien que les PCB aient été interdits, leur héritage contribue à un mélange de polluants organiques persistants (POP), causant des préoccupations pour les mammifères marins. Les POP atteignent de fortes teneurs dans les prédateurs supérieurs et sont liés depuis longtemps à l’échec de la reproduction et de la prédisposition aux maladies chez les mammifères marins. Les observations à long terme, réalisées dans le cadre du « Cetacean Strandings Investigation Programme » du Royaume-Uni, suggèrent qu’il existe un lien entre les niveaux de contamination des marsouins échoués le long de la ligne côtière du Royaume-Uni et le risque croissant de mortalité due à des maladies contagieuses.

Dans les îles Féroé, un suivi régulier des teneurs en polluants dans les globicéphales noirs, source précieuse de nourriture traditionnelle pour les peuples autochtones, a commencé depuis les années 1990. Des diminutions des teneurs de DDT et de PCB dans l’environnement, constatées dans plusieurs autres parties de la zone OSPAR, commencent maintenant à se mesurer dans les globicéphales noirs. La surveillance montre néanmoins que la chair du globicéphale noir représente encore une source alimentaire substantielle pour de nombreux autres POP et le Gouvernement des Féroé a lancé un processus de gestion du risque relatif à sa consommation.

Les effets du TBT et de ses substituts chimiques causent des préoccupations dans certaines zones

Au cours des dix dernières années, une série de mesures nationales et internationales ont abouti à un abandon continu des peintures antisalissure à base de TBT utilisées pour le revêtement des navires, dans l’aquaculture et sur les structures sous-marines dans la zone OSPAR. Une interdiction mondiale de l’utilisation du TBT dans les systèmes antisalissure des gros navires est entrée en vigueur en 2008. Ces mesures traitent ensemble les principales pressions que le TBT exerce sur le milieu marin.

Les escargots de mer sont très sensibles aux effets nocifs de la pollution par le TBT et sont donc un bon indicateur de cette pollution. L’intensité des effets propres au TBT sur le pourpre et autres escargots de mer ont clairement diminué dans la Région II depuis 2003, lorsque la surveillance a commencé, et il existe peu de sites de surveillance de la zone OSPAR dans lesquels ces effets augmentent. Les niveaux des effets dans la Région I étaient stables entre 2003 et 2007, mais les données pour les Régions III et certaines parties de la Région IV sont dans l’ensemble insuffisantes pour permettre d’analyser les tendances. L’EcoQO fixé pour les effets propres au TBT dans la mer du Nord, et appliqué grâce à des critères d’évaluation cohérents dans les autres Régions OSPAR, est atteint dans la plupart des sites de la Norvège septentrionale et dans certains sites de la côte occidentale du Royaume-Uni et des côtes françaises et espagnoles.

Encadré 5.4 Baisse des effets propres au TBT sur le pourpre et autres escargots de mer

EcoQO pour la mer du Nord: Le degré moyen d’imposex dans un échantillon d’au moins 10 pourpres femelles (Nucella lapillus) devrait être cohérent avec l’exposition aux teneurs en TBT inférieures au critère d’évaluation environnementale du TBT. On pourra utiliser d’autres espèces si Nucella lapillus n’est pas présente naturellement ou si elle est en voie de disparition.

Quelques escargots de mer femelles réagissent à l’exposition au TBT en développant des caractéristiques sexuelles mâles; il s’agit du phénomène d’« imposex ». Un petit bateau, dont le revêtement antisalissure est à base de TBT, peut théoriquement dégager assez de TBT en une saison pour apporter, à dix millions de mètres cubes d’eau, une teneur en TBT suffisante pour affecter les espèces gastéropodes sensibles. Une quantité similaire peut être lixiviée de la peinture d’un grand pétrolier en une heure.

La surveillance de l’imposex chez les gastéropodes marins est un bon indicateur de la pollution par le TBT et permet de déterminer l’usage illicite de stocks de peinture antisalissure à base de TBT (chantiers navals et ports de plaisance) et des activités d’entretien des navires telles que le sablage. Elle devrait également permettre de promouvoir une bonne pratique lorsque l’on traite des sédiments contaminés historiquement, par exemple lors de l’élimination de matériaux de dragage, provenant en particulier des ports, qui continuent à présenter un problème.

Évaluation du système des EcoQO pour la mer du Nord

De même, un certain nombre de sites islandais ont atteint cet EcoQO en 2008. Néanmoins, on trouve encore des effets propres au TBT dans de grandes parties de la zone OSPAR. Il existe une relation évidente avec la navigation. En effet des effets marqués ont été observés à proximité de grands ports (par exemple Rotterdam, Clydeport, Vigo) alors que les effets sont plus faibles dans les zones où le trafic maritime de grands navires est moindre, telles que la côte occidentale de l’Écosse et la Norvège septentrionale. Cependant même dans ces zones, les ports peuvent avoir un impact notable, mettant en évidence l’importance des sources locales et de la contamination historique dans les sédiments portuaires.

Le cuivre et l’Irgarol (cybutryne) sont les principaux produits de substitution du TBT et sont utilisés à titre de produits antisalissure depuis plus de dix ans. Bien qu’ils ne soient pas aussi nuisibles que le TBT, ils peuvent également avoir des effets nocifs sur les organismes marins. La croissance rapide de l’utilisation de produits à base de cuivre par l’aquaculture, au cours des dix dernières années, a entraîné une augmentation des rejets de cuivre dans la mer dans les principales zones piscicoles de l’Écosse septentrionale et de la Norvège occidentale et septentrionale.

La réglementation des pesticides est un succès

Les diverses utilisations des six pesticides prioritaires OSPAR Tableau 5.1 ont été progressivement abandonnées depuis 1998 et ont maintenant cessé pour la plupart des substances. La baisse évidente des retombées atmosphériques dans la zone OSPAR confirme l’effet positif de l’abandon du lindane.

Les teneurs en lindane dans le poisson et les mollusques ont donc généralement diminué dans l’ensemble de la zone OSPAR, grâce à cet abandon progressif Figure 5.3. Ces teneurs sont proches de zéro dans certaines zones, par exemple la Norvège occidentale et septentrionale et certaines parties de l’Irlande, de la France et de l’Islande. Dans certaines autres zones cependant, les niveaux des teneurs présentent encore un risque d’effets de pollution. Il s’agit en particulier de la côte bretonne, du German Bight, et de certains estuaires du Royaume-Uni septentrional (Humber, Clyde, Forth, Tay). Ces points chauds, qui pourraient subsister pendant des années, sont localisés et peuvent indiquer une utilisation historique à proximité.

Figure 5.3 Distribution et tendances temporelles de la contamination...

Encadré 5.5 L’interdiction du lindane est un succès

La plupart des pays OSPAR avaient progressivement abandonné le lindane avant 2000. Bien que les données recueillies dans le cadre du Programme exhaustif de surveillance continue de l’atmosphère (CAMP) révèlent un net déclin des retombées sur les côtes via les précipitations avant 2000, le lindane continue à être présent dans l’atmosphère et sa diminution a ralenti. En fait une tendance saisonnière a persisté, avec un pic dans les retombées chaque année au printemps (la figure montre le déclin de l’ampleur du pic printanier dans une station côtière du Nord de l’Allemagne). Ceci suggère que certaines utilisations du lindane se sont poursuivies après 2000, il s’agit par exemple des stocks éliminés progressivement. Une autre source de lindane est le transport à l’échelle continentale provenant de son utilisation constante en Asie. Il existe également un re-dégagement provenant de l’environnement: il s’agit par exemple du dégagement lors de la fonte des glaces dans le Haut Arctique.

Il continue d’y avoir un gradient net de réduction des retombées de lindane au fur et à mesure que l’on s’éloigne du continent européen. En 2007, les retombées en mer du Nord méridionale étaient par exemple jusqu’à 50 fois plus faibles qu’en 1997 mais les niveaux se situaient cependant bien au dessus des teneurs ambiantes.

Tendances des teneurs et retombées atmosphériques

Il faut mieux réglementer certains retardateurs de flamme bromés

Les retardateurs de flamme bromés représentent un groupe important de produits chimiques utilisés en grandes quantités et dans une large gamme de produits de consommation. Leur réglementation n’est pas uniforme, certaines substances faisant l’objet d’une réglementation plus rigoureuse que d’autres. Les octaBDE et pentaBDE, substances potentiellement les plus dangereuses de ce groupe, ont été interdits et leurs rejets cesseront, dans l’ensemble, d’ici 2020. D’autres, telles que le decaBDE et l’hexabromocyclododécane (HBCD) doivent être plus réglementées et, dans l’attente, l’industrie a réduit de manière significative les rejets provenant de sources ponctuelles. On s’attend de plus en plus à ce que le produit chimique prioritaire tétrabromobisphénol-A (TBBP-A), remplace l’octaBDE dans des applications spécifiques. Le TBBP-A est maintenant le retardateur de flamme bromé le plus couramment utilisé dans la zone OSPAR et devra être suivi de près.

Sur la période de 2000 à 2005, les polybromodiphényléthers (PBDE) et le HBCD étaient présents dans toutes les composantes des écosystèmes marins des Régions I, II, III et IV. L’ampleur de la contamination par ces substances est encore méconnue car la surveillance environnementale régulière d’OSPAR n’a commencé qu’en 2008. Une surveillance est nécessaire pour déterminer l’efficacité des actions prises pour réduire les apports de retardateurs de flamme bromés dans le milieu marin.

Encadré 5.6 Hexabromocyclododécane dans l’Arctique

L’hexabromocyclododécane (HBCD) est utilisé dans la production de textiles et dans les matériaux d’isolation. Il se dégrade très peu et est capable de bioamplification dans les chaînes alimentaires marines. Les teneurs atmosphériques au-dessus du Spitzberg (Svalbard), qui sont à peine inférieures à celles de la Norvège méridionale, confirment l’importance du transport atmosphérique à longue distance du HBCD dans l’Arctique. De récentes études réalisées dans l’Arctique norvégien (Région I) ont révélé que le HBCD est présent dans l’ensemble du milieu marin, les teneurs dans le milieu vivant et les sédiments étant inférieures à celles considérées comme étant susceptibles d’avoir des effets de pollution et à celles des PCB et PBDE par exemple. Les POP étant toujours présents dans des mélanges, les effets d’autres substances s’ajoutent à l’effet total sur la vie marine. Les impacts conjugués peuvent être plus élevés dans l’environnement arctique froid où les substances chimiques ne se dégradent que lentement. Il est donc important de prendre des mesures de précaution afin de maintenir les HBCD et autres POP à des niveaux bas et de continuer à surveiller leur présence dans l’Arctique.

Du HBCD a été trouvé dans tous les échantillons de tissus adipeux et de sang analysés des ours polaires dans l’Arctique norvégien, avec des teneurs dans la masse grasse corporelle (moyenne de 25 ng/g de poids frais) à proximité de niveaux mesurés dans les goélands bourgmestres de l’île aux Ours (Bjørnøya). Une étude réalisée dans l’île aux Ours révèle des teneurs en contaminants, y compris en HBCD, dans la cervelle et le foie d’oiseaux marins morts et mourants plus élevées que celles relevées dans les oiseaux vivants. Les observations réalisées en Norvège septentrionale suggèrent une augmentation significative de la contamination dans les œufs d’oiseaux de mer entre 1983 et 2003 (voir les figures), alors que d’autres études révèlent que les échantillons des années 1980 contenaient les teneurs les plus élevées.

Il faut agir mondialement contre la contamination par les POP

Le transport à longue distance par l’air, l’eau et les voies de pénétration biologiques amène des polluants organiques persistants (POP), y compris les sulfonates de perfluorooctane (SPFO), les PCCC, et les retardateurs de flamme bromés, dans des zones éloignées de leurs sources. Dans l’hémisphère Nord, les courants aériens dominants se déplacent vers l’Arctique, où aboutissent de nombreux contaminants extrêmement persistants. Leur tendance à la bioaccumulation donne lieu à des teneurs élevées chez les animaux situés au, ou à proximité du, sommet de la chaîne alimentaire. Il s’agit de prédateurs tels que les ours polaires, les baleines, les phoques et les oiseaux.

La surveillance montre que ces polluants sont répandus dans l’ensemble du milieu marin, même dans des zones éloignées des sources d’émission. Les SPFO et les substances correspondantes sont par exemple extrêmement persistants et ont des effets toxiques à long terme sur les organismes marins et sur l’homme. Ils sont présents dans tous les compartiments environnementaux des Régions I et II, aussi bien dans des sites pollués que loin des sources directes.

Les efforts afin de réduire les émissions de POP doivent se faire au niveau mondial en raison du transport à longue distance. Récemment, dans le cadre de la Convention de Stockholm sur les POP du PNUE, l’octaBDE, le pentaBDE, les SPFO et le lindane ont été reconnus comme des POP devant être éliminés à l’échelle mondiale. Cela devra être suivi par l’inclusion des PCCC, l’endosulfane et le HBCD. Ces substances sont si persistantes que l’exposition et la bioaccumulation continueront pendant de nombreuses années, même si l’interdiction mondiale entre bientôt en vigueur.

Les efforts relatifs aux effets biologiques doivent se poursuivre

La présence de substances dangereuses entraîne toute une gamme de réactions dans les organismes marins, telles que l’induction d’enzymes spécifiques, la modification de la pathologie des tissus et la mort. Des techniques propres à chaque contaminant ont été mises au point, qui permettent d’analyser ces réactions et d’établir un lien entre la présence de contaminants et les impacts. La technique la plus efficace est l’analyse des effets propres au TBT (imposex) chez les gastéropodes. D’autres techniques sont en cours de développement pour permettre de déterminer les réactions à divers contaminants. Par exemple, les données sur la pathologie du poisson sont recueillies dans le cadre du CEMP et reprises dans un index, à titre d’outil potentiel permettant d’évaluer la santé des populations halieutiques et l’impact des pressions anthropiques exercées sur le poisson sauvage. Bien que les analyses réalisées dans la Région II révèlent que la santé du poisson s’est détériorée, entre les années 1990 et les années 2000, ce qui suggère un déclin général des conditions environnementales, cela ne peut pas être lié aux observations de la contamination chimique et les causes doivent encore être étudiées Figure 5.4. Des études récentes sur la pathologie des poissons individuels permettent maintenant d’établir un lien entre le déclin général des tumeurs du foie chez le poisson dans les eaux néerlandaises de la mer du Nord, depuis la fin des années 1980, et la diminution de l’exposition aux polluants organiques tels que les HAP génotoxiques et carcinogènes.

Dans la plupart des cas, il n’est pas encore possible de relier les données de la surveillance chimique à la présence d’effets dans les espèces afin de pouvoir tirer des conclusions quant à l’impact des contaminants sur le fonctionnement des écosystèmes au niveau régional. Les pays OSPAR ont fait des progrès dans la normalisation des méthodes de référence pour la surveillance des indicateurs biologiques mais n’ont pas encore mis en œuvre un programme de surveillance des effets biologiques complètement coordonné. Celui-ci sera nécessaire pour soutenir l’évaluation régionale des substances dangereuses. On devra donc poursuivre et améliorer les efforts en matière de surveillance et d’évaluation des effets biologiques ainsi qu’au titre des effets conjugués sur le fonctionnement des écosystèmes qui ne conviennent pas à une analyse chimique.

Il faut mieux comprendre les effets des perturbateurs endocriniens

Les connaissances sur les teneurs en produits chimiques, pouvant potentiellement entraîner des troubles endocriniens, rejetés dans le milieu marin n’ont pas beaucoup avancé depuis le QSR 2000. Des travaux récents ont mis en évidence que certaines substances de synthèse peuvent perturber les systèmes immunitaires et la communication chimique entre les organismes. Bien que la recherche dans ce domaine se développe rapidement, les effets sur le système hormonal sexuel et la reproduction du poisson demeurent l’aspect le mieux connu des troubles endocriniens.

OSPAR a instauré des lignes directrices pour la surveillance des effets des perturbateurs endocriniens chez le poisson. Elles ne font pas officiellement partie du programme de surveillance OSPAR mais elles permettent de réaliser des études. Il s’agit par exemple d’études de la féminisation du poisson mâle grâce à l’analyse de l’intersexualité et de la vitellogenèse (processus de formation du vitellus propre à la cellule germinale femelle). Les effets des perturbateurs endocriniens chez le poisson ont lieu dans de nombreuses zones, bien que leur ampleur, leur importance et leurs conséquences ne soient pas claires. Le flet mâle, dans les estuaires de l’Allemagne, de la Belgique, du Danemark, de la France, du Royaume-Uni et des Pays-Bas, contient des teneurs élevées de vitellogénine dans le plasma (liées à un succès de reproduction réduit chez le poisson mâle). Il en est de même pour le cabillaud de l’Atlantique du Nord-Est et des eaux côtières norvégiennes et pour la limande commune dans les eaux du large de la mer du Nord. Il y a peu d’indications que les teneurs plasmatiques de la vitellogénine chez le flet mâle dans certains estuaires du Royaume-Uni soient en baisse.

Problèmes émergents dus à l’emploi de produits chimiques de substitution

Lorsqu’une substance dangereuse est progressivement abandonnée, dans de nombreux cas, elle est remplacée par d’autres produits chimiques. Ceci présente souvent un avantage pour l’environnement mais risque d’entraîner des problèmes nouveaux et inattendus si les propriétés des produits chimiques de substitution ne sont pas bien comprises. Les paraffines chlorées à chaîne moyenne (PCCM), par exemple, remplacent de plus en plus souvent les PCCC en vertu des restrictions de l’UE en 2002. Elles sont moins nocives que les PCCC mais sont encore préoccupantes car elles sont persistantes et s’accumulent dans le milieu marin. Il est absolument nécessaire de surveiller de près les niveaux des produits chimiques de substitution dans l’environnement car ils peuvent également présenter des risques pour l’environnement.

Les conditions du marché affectent les progrès envers les objectifs d’OSPAR

Les conditions du marché, les méthodes et volumes de production et les avancées technologiques ont entraîné des modifications structurelles dans certaines industries majeures implantées à terre et au large. Certaines industries ont cessé, d’autres ont émergé et beaucoup d’industries de fabrication se sont réimplantées dans d’autres parties du monde, par exemple en Asie. Les économies à développement rapide et le développement industriel correspondant ainsi que la demande en énergie en dehors de la zone OSPAR exercent des pressions croissantes sur l’Atlantique du Nord-Est. Il s’agit principalement du transport atmosphérique à longue distance de contaminants tels que le mercure et les HAP. De plus, certaines marchandises importées contiennent des substances dangereuses qui peuvent pénétrer dans la mer lors de l’utilisation d’un produit et à la suite de son élimination. Le lindane, le nonylphénol, et les retardateurs de flamme bromés en sont des exemples typiques.

Des actions à l’échelle mondiale sont nécessaires afin de contrôler les apports de telles substances dans le milieu marin. L’augmentation régulière de l’utilisation de produits manufacturés et les flux de déchets correspondants constituent une source croissante de pollution potentielle à laquelle il faut s’attaquer.

Figure 5.4 Modifications de l’état de santé de la limande commune...

Cadmium Plomb et ses composés organiques Mercure et ses composés organiques Composés organostanniques Paraffines chlorées à chaîne courte (PCCC) Sulfonates de perfluorooctane (SPFO) Polychlorodibenzodioxines et polychlorodibenzofuranes (PCDD, PCDF) Polychlorobiphényles (PCB) Retardateurs de flamme bromés Tétrabromobisphénol-A (TBBP-A) Trichlorobenzènes Endosulfane Isomères du hexachlorocyclohexane (HCH), y compris lindane Dicofol Méthoxychlore Pentachlorophénol (PCP) Trifluraline 2,4,6-tri-tert-butylphénol Nonylphénol/Nonylphénoléthoxylates Octylphénol Dibutylphthalate (DBP), diethylhéxylphthalate (DEHP) Hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) Clotrimazole Xylène musqué 4-(diméthylbutylamino) diphénylamine (6PPD)
Critères d’évaluation